Postures réflexives des étudiants - Bienne, ADMEE 2009
Christophe Gremion – HEP-FR - (recherche en cours)
Notre recherche a pour objectif de mettre en évidence
l’influence que peut avoir une autoévaluation régulière des étudiants
sur leur posture réflexive. Nous postulons que cet exercice permet une
forme de médiatisation entre l’étudiant et ses expériences de terrain
ainsi que dans son élaboration de liens entre la théorie et la pratique,
tout en atténuant l’effet que peuvent avoir les différentes postures du
mentor dans cette démarche. Le travail d’analyse n’étant pas terminé,
il serait prématuré de vouloir présenter ici des résultats au niveau de
l’influence de l’autoévaluation. Par contre, les premiers résultats liés
à l’analyse des écrits des étudiants dans leur dossier d’apprentissage
(DAP) peuvent être mis en lien avec les différents types d’entretiens
(Niggli, 2005 ; Gervais, 1995) présentés plus haut ainsi qu’avec la
désirabilité sociale.
Dans les travaux qu’elle a menés, Jorro (2005) met en évidence trois
postures réflexives que peut adopter la personne qui s’autoévalue. Le
reflet permet à l’auteur de décrire plus ou moins précisément son action
mais le niveau de description très général et le ton d’évidence
utilisés font souvent plus penser à une justification qu’à une analyse.
L’interprétation permet à l’auteur de revisiter une situation en
utilisant un ou plusieurs cadres de référence. C’est une posture qui
permet de grandes prises de conscience et qui est souvent teintée par
l’émotion du sujet. Enfin, la fonction critique régulatrice semble être
la forme la plus aboutie de la réflexivité. Elle permet un
questionnement permanent de sa propre action et le sujet planifie des
aménagements ou des prescriptions à sa propre action.
Dans la démarche d’autoévaluation et d’écriture professionnalisante
(Lafortune, 2009, p. 24) que la HEP-FR propose à ses étudiants, chacune
des postures réflexives que nous venons de présenter brièvement devrait
être présente. En effet, le canevas proposé pour l’analyse de situation
demande une description détaillée de la situation, une analyse selon
différents points de vue et des propositions de modifications ou
nouveaux objectifs de formation.
Dans les textes que nous avons pu lire, force est de constater
premièrement que peu d’entre eux révèlent d’une vraie écriture
professionnalisante. Trois « stratégies d’évitement » semblent être
utilisées. La première consiste à ne pas parler de sa pratique mais de
celle du maître de stage. Dans ces écrits, l’auteur décrit la situation
sans grande complaisance, porte un jugement sur l’action et, parfois,
imagine de nouvelles solutions ou actions. La deuxième consiste à ne pas
décrire un instant précis, mais une situation très générale. Elle est
souvent rédigée à l’imparfait, comme si le sujet de l’action souhaitait
s’en distancier, s’en dissocier. Enfin, une troisième stratégie consiste
à proposer une rhétorique abstraite plus révélatrice de ce que l’auteur
pense que le lecteur souhaiterait lire que de ce qu’il a réellement
vécu en classe.
Ensuite, lorsqu’il y a reflet, nous pouvons parfois constater l’absence
d’interprétation ou d’analyse. Plutôt que de passer par les trois stades
reflet – interprétation – critique régulatrice, certains passent du
reflet à la critique sans analyse, d’autres du reflet à la régulation
sans analyse ni critique. Ces différentes postures peuvent influencer le
style d’approche de la médiation adoptée par le mentor : il
privilégiera une approche prescriptive lorsque la posture de l’étudiant
n’est pas suffisamment critique, une approche interprétative lorsque
l’étudiant ne s’engage qu’insuffisamment dans l’analyse de son action et
une approche de soutien lorsque l’étudiant analyse et critique son
action de manière convaincante.
Enfin, alors qu’un stage dure généralement 3 semaines et que le mentor
ne passe qu’une ou deux heures au total dans la classe pour observer le
stagiaire, il est très fréquent que les situations analysées dans les
travaux de DAP se rapportent justement à ces visites. Nous pensons, mais
ce ne sont là que des hypothèses, qu’il y a un lien entre cette
observation et le carré dialectique de la socialisation proposé par
Kaufman (2001) (annexe 3). La socialisation, selon l’auteur, est une
recherche d’équilibre entre quatre pôles opposés que sont les habitudes
(H), les cadres de socialisation (S), la réflexivité individuelle (RI)
et la réflexivité sociale (RS). Lors du stage, l’étudiant évolue dans un
environnement (S) bien particulier. Il mène des actions (H) qu’il a
planifiées ou va analyser selon son point de vue (RI) et celui de son
maitre de stage garant de la réflexivité sociale. Lors de la visite du
mentor, qui lui représente un autre cadre de socialisation (S1), en
l’occurrence l’institut de formation initiale, l’action est analysée par
deux réflexivités sociales différentes (RS1) : celle « du terrain »
représentée par le maitre de stage et celle « de l’institution de
formation » représentée par le mentor. Les divergences entre ces deux
pôles de référence amènent peut-être l’étudiant à choisir de décrire la
situation vécue en présence du mentor afin de calquer son analyse sur la
réflexivité sociale de l’institut de formation et non sur sa
réflexivité individuelle ou sur celle de l’école qui l’accueille. Mais
dans ce cas, sommes nous en présence d’autoévaluation, de réflexivité ou
simplement de contrat social ?
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